Devant de coussin, (sans titre),

1916

Sophie Taeuber divise en cinq rangées de même taille le devant de coussin sur le canevas, un tissu tramé qui sert de fond à la broderie exécutée avant son mariage. Elle place des carrés et rectangles monochromes entre des éléments figuratifs tels que des fleurs abstraites et des oiseaux coureurs disposés en divers lieux sur les bandes de la composition et produisant de ce fait un effet cinétique. L’artiste exécute elle-même méticuleusement au point de croix le coussin dominé par les rouges, et réalisant pour ainsi dire l’archétype de sa technique créatrice. À rebours de l’usage de l’époque qui veut que l’on se contente de décorer les supports textiles, Sophie Taeuber emplit tout l’espace. Après avoir fréquenté la Zeichnungsschule für Industrie und Gewerbe de St-Gall (École d’arts appliqués), elle suit des études d’arts appliqués à Munich et Hambourg, puis s’installe à Zurich en 1914, où elle vit de la vente de ses œuvres. En 1916, elle prend la direction de la nouvelle section broderie à la Kunstgewerbeschule de Zurich (École d’arts appliqués), dans laquelle elle enseigne jusqu’en 1929. Ses aptitudes manuelles polyvalentes l’amènent à réorienter les broderies florales de ses élèves vers des décors géométriques, leur ouvrant de nouvelles voies du design de l’ameublement textile – tapis, coussins ou autres napperons, omniprésents à l’époque. En 1927, elle rédige un manuel avec sa collègue Blanche Gauchat, Anleitung zum Unterricht im Zeichnen für textile Berufe (Guide d’enseignement du dessin dans les métiers textiles), que ne suivent pas seulement ses étudiantes les plus célèbres, Elsi Giauque, Lucie Welti et Ida Störi. Elle y introduit avec talent la broderie systématique au moyen de séries et de disposition en miroir ainsi que la broderie en négatif, et élève cette discipline bien au-delà de l’habituelle dimension décorative de l’époque. (Sabine Flaschberger)