Affiche, Non à la destruction des Bains des Pâquis,

1988

Dans les années 1990 avant tout, l’affiche de BD narrative aux couleurs vives marque la physionomie de Genève pendant les campagnes électorales. L’affiche d’Exem de 1988 fait partie des œuvres majeures de cette époque. Une pieuvre énorme émerge d’une piscine. Son agressivité s’exprime aussi dans ses yeux. Avec l’un de ses tentacules, elle étreint le plongeoir et le fait tomber. Un projet de destruction menace alors les légendaires Bains des Pâquis genevois. Une large opposition, réunissant des habitants du quartier, des écologistes et des urbanistes, vote pour réhabiliter l’architecture charmante des bains des années 1930 et remporte le scrutin. Dès cette campagne, Exem fait la preuve de son talent, qu’il mettra au service d’autres affiches. Le jeu jubilatoire avec les références élargit les niveaux de lecture, mais il livre un message immédiatement intelligible grâce à la restitution minutieuse du lieu et à la représentation du monstre marin. La pieuvre géante renvoie au célèbre roman de Jules Verne (1828-1905), Vingt mille lieues sous les mers. La polémique du message, comme le lettrage, rappelle aussi les affiches politiques que le graphiste d’extrême droite Noël Fontanet (1898-1982) réalise dans les années 1930, à l’époque de construction des Bains. Le style d’Exem, avec ses lignes claires, est fortement inspiré d’Hergé (1907–1983), dessinateur des Aventures de Tintin. Avec la pieuvre, il trouve un symbole reconnaissable, qui incarne également la folie destructrice du capitalisme dans des affiches ultérieures. (Bettina Richter)